
J’ai lu récemment une étude sur le bien-être en thèse, menée auprès de 3659 doctorants Flamands, publiée dans le journal scientifique Research Policy*.
Le premier résultat est sidérant : un tiers des doctorants sont concernés par le risque de développer un trouble psychologique, tel que la dépression.
Le deuxième résultat est aussi très intéressant : le mal-être des doctorants serait lié à six facteurs bien identifiés.
Dans cet article, je passe en revue ces six facteurs, et y ajoute quelques conseils pratiques pour améliorer votre bien-être pendant la thèse.
1/ L’équilibre « travail-famille »
Trouver l’équilibre « travail-famille » peut s’avérer délicat, surtout si vous faites une thèse. Faible salaire, incompréhension de la part de votre entourage, horaires de travail le soir ou le week-end : nombreux sont les défis de la vie de couple (ou de famille) chez le doctorant. A ceux-ci s’ajoutent parfois d’autres problèmes individuels : manque de confiance en soi, désorganisation, stress, etc. Selon l’étude, l’interface « travail-famille » est le facteur le plus important lié au bien-être pendant la thèse.
Pour trouver un bon équilibre, il peut ainsi être utile de fixer certaines « règles » avec votre famille (ou partenaire, ou enfants). Par exemple, si vous manquez de temps pour votre thèse, bloquez-vous une plage horaire quotidienne d’une ou deux heures pendant laquelle vous ne serez pas dérangé. De même, si vous envisagez de commencer un doctorat, soyez conscient de l’impact de ce choix pour vous et vos proches.
2/ Les codes de l’institution
Chaque institution possède ses codes, ses règles implicites. Et, devinez quoi : le milieu universitaire possède lui aussi ses propres règles. Or, lorsque vous commencez une thèse, on ne vous en parle pas forcément. Et si vous transgressez (même involontairement) les règles adoptées par les autres chercheurs, c’est ici que le bât blesse : vous pouvez ressentir un mal-être.
Quels sont donc les codes à connaître pour mieux s’intégrer à la communauté de chercheurs ?
D’une part, il existe des codes propres au langage scientifique, à l’écriture scientifique ou encore à la méthode scientifique. Par exemple, si vous faites un doctorat en sciences sociales, vous devrez sans doute utiliser un questionnaire pour collecter des données. Or, la conception d’un questionnaire obéit à des règles très précises, qu’il est nécessaire de respecter pour être conforme aux standards de la communauté scientifique.
D’autre part, les relations humaines entre chercheurs sont aussi régies par des codes spécifiques. Ces derniers s’apprennent souvent empiriquement, par exemple lorsque vous participez à une conférence, et que vous observez la façon de communiquer des autres chercheurs, ou la manière dont ils critiquent le travail des pairs.
Certains auteurs insistent encore davantage sur l’importance de la codification, comme Lætitia Gérard qui décrit le doctorat comme un rite d’initiation pour intégrer la communauté scientifique.
En résumé, je vous recommande donc de vous habituer à observer et noter les codes propres à la communauté des chercheurs, afin d’y être mieux intégré.
3/ Les exigences du travail
Un jour, un docteur en mathématiques m’a confié qu’il travaillait 99% du temps chez lui pendant la thèse, en accord avec son directeur. En revanche, je connais d’autres doctorants qui ont des horaires de travail plus « classiques » (par exemple, 9h-18h).
Pendant le doctorat, vous bénéficiez généralement d’une grande autonomie pour organiser votre temps. En contrepartie, vous devez respecter certaines exigences, par exemple en vous adaptant au fonctionnement de votre laboratoire. Notamment :
- Etes-vous censé travailler de 9h à 18h ? Ou bien vos horaires de travail sont-ils plus flexibles ?
- Etes-vous libre de travailler depuis chez vous ?
- Quelle est votre charge de travail quotidienne, hebdomadaire ? Devez-vous envoyer des résumés réguliers de votre travail à votre directeur de thèse ?
- Votre présence à certains séminaires de recherche est-elle souhaitée, voire obligatoire ?
- Pouvez-vous faire vos expériences n’importe quand ? Est-il nécessaire de réserver du matériel à l’avance ?
- Etc.
L’absence de réponses claires à ces questions peut être source de malentendus, et donc de mal-être. De manière générale, connaître les règles de votre environnement de travail est donc très important pour votre bien-être.
4/ L’encadrement du directeur de thèse
Votre directeur de thèse est votre principal interlocuteur pendant vos trois, quatre ans de thèse. Ainsi, la qualité de votre relation aura un impact considérable sur votre bien-être. Dans la liste des caractéristiques d’un encadrement de qualité, on trouve généralement : la régularité du suivi, la qualité des commentaires de votre travail (le fameux « feedback »), l’expérience de l’encadrement des doctorants, la bienveillance, l’ouverture d’esprit, etc.
Vous avez peut-être un directeur de thèse qui vous encadre parfaitement, auquel cas tout est pour le mieux. Malheureusement, certains autres doctorants sont parfois moins bien lotis. C’est par exemple le cas de Tiphaine Rivière, ancienne doctorante qui a abandonné sa thèse, qui raconte de façon humoristique les mésaventures de sa relation avec son directeur de thèse dans la bande dessinée Carnets de thèse.
Je vous conseille ainsi de prendre conscience assez tôt du style d’encadrement de votre directeur de thèse, et de comprendre ses attentes pour éventuellement améliorer votre relation de travail.
5/ L’ambiance au sein de l’équipe de recherche
Si vous faites un doctorat en sciences naturelles, vous travaillez probablement au sein d’une équipe de recherche. Celle-ci a généralement un fonctionnement propre, avec des règles plus ou moins explicites. Mais entre la définition des buts à atteindre, la répartition des tâches, la prise de décision, ou encore les évènements imprévus, la coopération entre collègues est parfois délicate.
Lors d’une conférence, un doctorant m’a confié que pour faire avancer plus vite le projet de son équipe, il fallait souvent démarrer des expériences en laboratoire pendant le weekend. Malheureusement, la répartition des tâches entre chercheurs n’était pas claire, en particulier concernant le weekend : cela générait parfois des tensions.
Ainsi, s’intégrer à une équipe et comprendre sa « culture » est un vrai défi. Cependant, il est tout à fait possible d’améliorer les relations de travail avec vos collègues. Sans chercher à transformer les autres chercheurs en « collègues parfaits », essayez simplement de vous mettre d’accord sur le rôle de chacun, avec pour objectif l’avancement du projet et de votre doctorat.
6/ La perception d’une carrière hors de l’académie
« Qu’est-ce que je ferai après la thèse ? ». C’est une préoccupation centrale chez les doctorants. Et les résultats de l’étude précisent que la peur est liée à l’incertitude de trouver un travail hors académie. Effectivement, après 8-9 ans passés à l’université (licence, master et doctorat inclus), projeter votre carrière hors de l’université peut provoquer un mal-être. C’est un saut dans le vide, dans l’inconnu. Pourtant, la carrière hors académie est le secteur choisi par plus de la moitié des docteurs en France, selon une note du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche de 2017.
Ainsi, je vous conseille de ne pas attendre la fin de la thèse pour préparer « l’après-thèse ». Pensez à développer votre réseau, à améliorer vos compétences transversales, ou encore à connaître les entreprises intéressées par votre profil.
Et vous, est-ce que vous avez également ressenti que ces six facteurs ont un impact sur votre bien-être pendant votre thèse ?
D’autres facteurs influencent-ils votre bien-être ?
*Levecque, K., Anseel, F., De Beuckelaer, A., Van der Heyden, J., & Gisle, L. (2017). Work organization and mental health problems in PhD students. Research Policy, 46(4), 868‑879. https://doi.org/10.1016/j.respol.2017.02.008
Florian
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