Il y a quelques mois, je suis tombé un peu par hasard sur le livre ‘Adapt’ (2012) de l’économiste anglais Tim Harford.
Je n’ai pas tellement l’habitude de lire des ouvrages d’économie, mais celui-ci m’intéressait particulièrement pour une raison.
Cette raison, c’est que le livre explique clairement :
- pourquoi certaines entreprises réussissent (par exemple, Google)
et aussi :
- pourquoi certaines entreprises… disparaissent.
Pour le doctorat… c’est un peu la même chose :
- certains doctorants réussissent leur thèse
et malheureusement :
- d’autres abandonnent leur thèse.
Dans cet article, voyons comment vous inspirer d’une technique qui a fait le succès de Google…
… pour mettre toutes les chances de votre côté pour réussir votre thèse.
Pourquoi Google est un succès ?
La technique secrète de Google, celle qui fait son succès planétaire, c’est…
… la méthode essai-erreur (trial & error).
En effet, chez Google, on teste en permanence de nouveaux projets en suivant la méthode essai-erreur.
Et le plus impressionnant ?
Seuls 20% des projets testés réussissent.
Mais… ce sont des succès fracassants.
Par exemple :
- le moteur de recherche de Google
- Google maps
- Gmail
- Adsense (publicité)
- etc.
Eh du coup, on en parle peu, mais ça veut aussi dire que…
… 80% des projets de Google sont des échecs cinglants.
Comme par exemple :
- Google Nexus (smartphone)
- Google Talk (messagerie instantanée)
- Google Reader (lecteur de flux d’informations)
- etc.
Allez voir sur cette page tous les projets Google qui ont échoué : vous serez surpris.
La leçon à retenir de tout cela ?
Pour « survivre », il faut s’adapter aux circonstances, et se remettre constamment en question…
… en utilisant la méthode essai-erreur.
On essaye un truc…
Ça marche pas…
Pas grave : on essaie une autre approche…
Ça marche toujours pas…
On réessaye autre chose…
Etc.

Jusqu’à ce que ça marche, et que vous obteniez ce que vous voulez.
[attention : à l’inverse, je ne vous recommande pas de « changer d’approche à la légère ». Mais plutôt, de ne pas insister lorsque vous êtes clairement dans une impasse.]
« OK, intéressant…
…mais concrètement ça donne quoi pour ma thèse ? »
Bonne question : on va voir l’intérêt de tout cela dans la section suivante.
Le trial & error, de Google à… votre thèse
La recherche, c’est le terrain de jeu idéal… pour appliquer la stratégie « essai – erreur ».
Pourquoi ?
Parce qu’il y a beaucoup d’idées à essayer, à explorer, à expérimenter.
Un nouveau dosage de molécules en médecine, une nouvelle interprétation d’un texte en littérature, etc.
Et puis … il y a aussi beaucoup d’erreurs à faire.
Avoir une question de recherche pas très claire, lire des choses pas forcément nécessaires, etc.
Ci-dessous, voyons plus en détail 5 activités de thèse où appliquer la procédure essai-erreur…
Le trial & error pour choisir votre question de recherche
En 2016, je suis allé déjeuner avec une amie, doctorante en mathématiques.
Elle m’a confié avoir débuté sa thèse en explorant un sujet très spécifique.
Mais au bout de six mois, elle réalisa que ce sujet était trop étroit…
… et qu’elle n’allait pas le choisir pour sa thèse.
C’était une « erreur » de passer autant de temps sur ce « premier » sujet…
Mais c’était une « bonne erreur ».
Parce que grâce à cette première phase d’exploration…
… tout était soudain plus clair.
Elle a trouvé un autre sujet bien plus prometteur pour sa thèse.
Et une bonne question de recherche.
Bref, elle s’est adaptée…
Et elle a récemment soutenu sa thèse avec succès.
En résumé : votre question de recherche va un peu évoluer au cours du doctorat.
C’est normal.
Petit à petit, vous allez mieux connaître votre domaine.
Et, par essai et erreur…
… vous améliorerez votre question de recherche*…
… et deviendrez bien plus confiant pour la suite de votre thèse.
* on verra dans un autre billet comment avoir une bonne question de recherche

Le trial & error pour écrire votre thèse
C’est le cas le plus intéressant.
La façon de penser des doctorants débutants, c’est :
« j’ai collecté toutes mes données…
j’ai bien lu la littérature…
j’ai bien pensé à tout pendant des heures et des heures…
et maintenant …
… je vais commencer à écrire tout cela, bien proprement ».
Malheureusement, écrire votre thèse comme ça…
… ce n’est pas la meilleure manière.
La façon de penser des chercheurs plus avancés, c’est plutôt :
« je rédige un premier jet,
même si ce n’est pas parfait…
pas à pas, j’améliore mon texte…
mon raisonnement devient plus clair en écrivant…
et du coup mon nouveau texte est aussi plus clair… ».
Cette deuxième approche, c’est celle de l’essai-erreur.
On se trompe, et… on corrige.
On recommence.
C’est la bonne méthode.
Parce qu’on n’écrit jamais un texte parfaitement dès la première fois.
Bernard Werber, l’auteur du bestseller « Les Fourmis » vendu à 2 millions d’exemplaires, aime bien dire :
« J’ai refait 120 fois « les Fourmis » …
… et franchement les premières versions n’étaient pas terribles. »
Le trial & error pour publier un article
Si vous avez préparé un bel article, mais ne savez pas trop comment faire pour la publication …
… n’ayez pas peur : soumettez-le !
C’est le meilleur moyen de se familiariser avec le trial & error.
En effet, la publication, ça se passe souvent comme ça :
- vous soumettez votre manuscrit à un journal (= essai #1)
- réponse du journal : il faut faire des révisions majeures (erreur #1)
- vous faites les révisions, et re-soumettez l’article (= nouvel essai #2)
- réponse du journal : il faut faire des révisions mineures (erreur #2)
- vous faites les révisions (= essai #3)
- l’article est prêt à être publié (bravo !)
Parfois, ça ne se passe pas aussi bien.
J’ai soumis un article en 2017…
… et il n’y a eu aucun « round de révisions ».
Parce que la décision du journal, c’était…
… « rejeté ! »

Pourtant, tout n’était pas négatif.
Car j’ai eu un feedback détaillé des « reviewers ».
J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de points faibles dans mon texte.
Et j’ai amélioré mon article.
Et quelques mois plus tard…
… j’ai réussi à publier mon article, dans un autre journal.
En résumé : n’oubliez pas que la publication, ce n’est pas facile.
Et c’est un process qui demande des essais…
… et des erreurs.
Mais en persévérant, vous y arriverez.
Et à la fin, vous aurez un « beau papier » …
… et donc un vrai avantage pour devenir docteur(e).
Le trial & error pour collecter des données
Quand j’ai collecté mes premières données, avec mon questionnaire de recherche…
… il y avait un truc qui ne marchait pas.
J’avais utilisé des mots un peu trop techniques…
… et les élèves ne comprenaient pas bien mes questions.
Après de nombreux essais, et de nombreuses erreurs…
… je suis arrivé à avoir de « bonnes questions ».
Plus simples, plus claires…
… et j’ai alors obtenu des données fiables …
… que je pouvais analyser.
Mais ça m’a pris plusieurs mois, et de nombreux efforts pour y arriver.
Dans votre cas, peut-être que vos premières données ne seront pas assez précises au premier essai.
Parce que vous aurez mal calibré votre instrument de mesure…
… ou parce que vous aurez oublié de poser une question pertinente dans votre enquête…
… ou encore parce que vous aurez négligé un aspect important.
Peu importe la raison…
Ce que je vous conseille : c’est de faire un premier essai : collectez quelques données.
Puis : voyez s’il y a un problème.
Enfin, corrigez le tir, et faites une nouvelle collecte de données.
Le trial & error pour mieux gérer votre temps
J’ai écrit récemment un guide avec 9 conseils pour mieux gérer votre temps pendant le doctorat.
Après la lecture, certains doctorants m’ont dit :
« Florian, j’ai essayé ce conseil…
… mais pour moi, ça n’a pas marché… »
Très bien…
Mais est-ce que vous avez essayé ce truc une seule fois ?
Et puis vous avez abandonné ?
Ou bien est-ce que vous avez essayé plusieurs fois…
… en essayant de voir ce qui n’allait pas…
… et en vous améliorant peu à peu ?
Si vous avez mis votre réveil à 5h30 tous les matins…
… mais que vous êtes complètement fatigué pendant la journée…
… essayez une autre méthode !
L’idée, c’est de trouver la méthode de gestion du temps qui vous convienne…
(peut-être êtes-vous plus efficace pour travailler le soir…)
Et ce n’est pas grave si vous essayez plusieurs trucs…
… et que ça ne marche pas du premier coup.
L’essai-erreur, ça marche chez Google…
… mais aussi pour mieux gérer votre temps, chaque jour.

Les dangers du trial & error
Attention : Tim Harford met en garde contre trois problèmes qui peuvent vous arriver si vous appliquez le trial & error.
1 / Ne pas admettre vos erreurs
Par exemple : vous remettez sans cesse l’écriture de votre thèse au lendemain…
C’est une erreur…
… mais vous ne l’admettez pas.
Vous refusez de voir que qu’il y a un problème.
L’idée centrale, c’est donc d’avoir un feedback sincère sur ce que vous faites.
Par exemple, évaluez honnêtement si votre essai « d’écrire un peu chaque jour » marche, ou pas.
2 / Chercher à compenser vos erreurs à tout prix
Imaginons que vous avez glandé toute la journée…
… et que vous « rattrapez le coup » en travaillant jusqu’à 4 heures du matin.
Problème : le lendemain…
… vous êtes trop fatigué, et c’est une nouvelle journée perdue.
En cherchant à réparer une erreur à tout prix…
… vous faites plus de mal que de bien.
Si vous avez des périodes à vide… acceptez-les.
Et recommencez sur de bonnes bases.
3 / Faire une « erreur fatale »
En 2008, les spéculations financières hasardeuses de la banque Lehman Brothers dans le marché immobilier …
… ont tout simplement été fatales à l’institution bancaire américaine.
« Game over ! »
Ici, l’essai a causé une erreur… énorme – la faillite d’une banque.
Mais dans votre cas …
… normalement, vous ne risquez pas de faire un essai qui va « couler » votre thèse.
Attention : restez quand même prudent avec la méthode essai-erreur.
Par exemple, ne faites pas exploser votre labo de chimie pour tester votre dernière idée révolutionnaire.
Mon conseil bonus
La procédure essai-erreur, utilisez-la comme un réflexe …
… quand vous êtes bloqué pendant la thèse.
Par exemple :
« ah, je suis bloqué avec mon analyse de données…
… c’est le moment d’essayer une autre approche… ».
Ou bien :
« ah, je prends des notes mais je ne les relis jamais…
… c’est le moment d’essayer une autre approche… ».
C’est avec ce réflexe que j’ai réussi à débloquer beaucoup de situations pendant la thèse…
Et vous, est-ce que vous utilisez le trial & error dans votre thèse ?
Florian
*** Grand merci à Aneta pour la relecture ***
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